Haïti n’est condamnée à aucun destin funeste qui ne soit réversible. Par la détermination de ses concitoyens de changer leurs conditions d’existence et d’écrire à la face du monde l’une des meilleures pages de leur futur. En plein coeur de cette crise socio-politique inédite voire inqualifiable; elle a l’impérieuse obligation de se re-approprier au plus vite sa devise, L’union fait la force. Confisquée ( éventrée, érodée) par la cruauté, l’indifférence innommable de ses propres fils. Elle doit se dépouiller dans l’immédiat de ses « vieux habits » souillés, contaminés que lui ont « flanqués » ses fils cruels, insensibles à ses malheurs, à son agonie, à sa destruction
« mortelle ». Ce qui lui a causé tant de laideurs, de souffrances, de pleurs et d’infirmités. En son sein social propre. A l’échelle régionale et internationale.
Malgré tout Haïti garde encore vivace la force, « l’audace », « la rage » , la conviction de se battre. Pour mieux se relever. Elle garde encore vierge dans ses jambes vigoureuses et ses épaules combattantes. La force invincible du destin historique. L’académicien Léopold Sédar Senghor, l’un des pères de la Négritude l’a bien compris. Faudrait-il lui prêter l’intention d’avoir anticipé par ricochet cet instinct d’optimisme à la fois puissant et éprouvant. Il voit en « Haiti le haut lieu où la Négritude s’est mise debout pour la première fois ». On dirait qu’il esquisse sciemment ou de manière silencieuse une espérance légitime de revanche ou de résurrection.
Qu’il faudra à chaque fois transformer, re-booster au temps nécessaire en force inspirante de la victoire. Face à des moments d’incertitudes ou des lendemains entachés d’un pessimisme rebelle et imprévisible.
Haïti doit se remettre debout. Cette fois pour se réconcilier de manière urgente avec elle-même.
Reprendre le chemin de sa destinée véritable. Le flambeau de sa dignité et de sa prospérité. Il est important qu’elle renonce à la pensée négative de la malédiction. Aux forces invisibles de la fatalité, ou à une quelconque condamnation prématurée à la pauvreté incurable. N’était-ce le cancer de la politique négative, de l’auto-destruction, de la division fratricide catastrophique, des interférences conjoncturelles complexes contre-productives! Indéniablement elle est dotée originellement de tout ce qui est nécessaire pour s’affirmer à la face du monde. Avec beauté.
Dignité. Grandeur d’âme. Confiance en l’avenir. Oui, elle a la capacité et la vocation de devenir un endroit du monde où les conditions de vie dignes, de création de richesses, d’espérances citoyennes légitimes, de prospérité durable ne riment pas avec de pures illusions.
Haïti doit aussi profiter de ce contexte macabre pour se préoccuper de re-panser les plaies du passé et du présent. Peu importe leur légèreté et leur épaisseur dans de ses relations ou interactions avec ses partenaires internationaux. Un nouveau départ s’impose dans les interrelations entre Haïti et ses partenaires de proximité géopolitiques, historiques et d’autres.
L’heure a enfin sonné pour elle de prendre la décision de se réconcilier avec le monde
international pour de vrai. Par un dialogue franc. Des partenariats constructifs et stratégiques conduits dans le respect mutuel, l’écoute relationnelle et l’intelligence partenariale, l’optimisme économique et l’esprit de la prospérité socio-économique co-partagée. Elle doit dans ce cadre précis faire le choix de la compétence, prioriser la crédibilité, l’honnêteté dans les affaires, l’innovation, le patriotisme éclairé sur les effets négatifs du marronnage, de la négligence, de l’indifférence, de la mauvaise gouvernance, de la corruption dévastatrice. C’est pour elle un défi pressant de s’attaquer de façon radicale aux racines profondes de son sous-développement et de
la pauvreté récurrente.
Haïti a trop de richesses. Elle a beaucoup à offrir au monde, à partager et à recevoir en retour pour sa propre prospérité. Il lui est impératif de mettre au plus vite un terme ou un frein à sa laideur, à ses bêtises (répugnantes) et à la course vertigineuse de sa propre auto-destruction.
Hélas! Le temps est venu pour Haïti de se prendre au sérieux. Dire adieux à la politique
démagogique, de la médiocrité, à la gouvernance politique marquée par l’indifférence,
l’irresponsabilité, les injustices sociales, la corruption galopante, l’impréparation sociale et le banditisme socio-institutionnel imprévisible. C’est l’heure! Oui, le moment pour elle de rentrer dans la modernité politique, d’engager des partenariats de développements novateurs et de franchir avec optimisme les obstacles du marché de la globalisation économique. Transformer ses millionnaires « commerçants » en mega-investisseurs nationaux-internationaux. Créateurs de richesses et de prospérité durable. Enfin. Ouvrir Haïti à l’investissement concurrentiel, à la compétitive internationale.
L’appel de Michaële Jean en faveur d’un Sommet sur Haïti résonne dans ce contexte singulier comme une note musicale bien agencée dans le sillage d’une temporalité socio-politique et internationale agitée. Il se situe à un carrefour d’optimisme que les acteurs haïtiens en Haiti et à l’échelle la diaspora doivent saisir sans plus tarder comme une main tendue positive. J’adhère volontiers à plus d’un titre à cet appel solennel. Pour avoir estimé son importance dans le passé et suggéré sa tenue dans mon livre, Haïtianitudes politiques et ambiguïtés internationales: Le pari de demain (p.51). On y trouve la perspective d’un Sommet régalien sur Haïti pour les 25 années à venir impliquant les grands acteurs internationaux, les acteurs haïtiens de la diaspora et d’Haïti.
Il reste à dévoiler de manière concrète et pédagogique les objectifs potentiels de ce sommet, les acteurs impliqués, le lieu et la date de son déroulement. Le slogan, déblocage de Haïti « pappap », lancé par le journaliste politique Louko Désir et ses alliés devra trouver un écho orienté et prometteur par rapport à cet événement de grande ampleur. Le spectre d’une nouvelle transition politique avec la silhouette d’une gouvernance crédible animée de personnalités respectées et compétentes devra prendre dans la foulée sa forme idéale et achevée. Le peuple haïtien ( toutes les classes sociales et couleurs confondues) doit dire son mot sur les sommets internationaux et dans les recoins nationaux. C’est assez pour Haiti. Le moment est venu pour voir éclore, renaitre l’Haïti de nos rêves. Forte par ses symboles. Sa diversité et son unité. Son retour sur la scène internationale. Sa contribution à la beauté et à la prospérité du monde.
C’est en toute vraisemblance l’une des réponses cohérentes qu’exige dans l’immédiat la perspective de l’insuccès ou de l’échec prospectif de l’actuelle transition politique haïtienne.
Celle-ci se montre incapable de respecter ses promesses prioritaires: rétablissement de la souveraineté de l’Etat, anéantissement du phénomène d’insécurité, mise en place d’une politique d’assainissement social acceptable, relance proportionnelle de l’économie, la tenue référendaire et des élections démocratiques crédibles. Bien qu’elle coûte indiscutablement beaucoup aux finances de la république. La crédibilité de l’alternance politique du 07 février 2026 tend à résonner en creux dans le vide et l’imprévisibilité. Il faut absolument s’y préparer en conséquences de manière urgente et responsable. L’Etat haïtien est en état de panne. On pourrait dire qu’il est victime d’un déficit « d’étatisation » chronique.
L’espérance d’une nouvelle Haïti doit coûte que coûte se poindre à l’horizon. Elle se concrétisera par notre attachement indéfectible à la politique bonne conduite par des leaders visionnaires, patriotes, compétents, responsables. Des partenariats stratégiques de co-développement ambitieux. Aime Césaire, écrivain et homme politique Martiniquais, conforte une telle inspiration citoyenne par son rejet radical de la fatalité sociétale : La politique est la force moderne du destin.
Bonne chance à Haïti!
Bellevue Roosevelt, PhD
Chercheur, France/ Haiti
Enseignant/ Harvard University