Pour la première fois dans l’histoire, un président français en exercice fait une déclaration, par l’intermédiaire du service de presse de la présidence de la République, sur la question de l’« indemnité » imposée par la France à Haïti, à l’origine d’une dette dont découle une grande partie des difficultés économiques historiques du pays.
Si cette déclaration est historique, elle ne comporte toutefois aucune annonce spectaculaire. Elle s’appuie sur des faits historiques, tout en marquant une volonté de reconnaissance. Elle annonce également la création d’une commission mixte franco-haïtienne, chargée d’examiner le passé commun entre les deux pays. Cette commission sera coprésidée par M. Yves Saint-Geours et Mme Gustée Clara Gaillard-Pouchet.
Nous publions ci-après, in extenso, la déclaration du Président de la République française, Emmanuel Macron , sur les relations entre la France et Haïti.
Déclaration du Président de la République sur la relation entre la France et Haïti.
Publié le 17 avril 2025
Le 17 avril 1825, par voie d’ordonnance le roi de France Charles X reconnaissait l’indépendance d’Haïti, tout en lui imposant une lourde charge. En dépit de la conquête effective de sa liberté, dès 1804, par les armes et le sang, le dernier des Rois de France, en échange de la reconnaissance et de la fin des hostilités, soumettait le peuple d’Haïti à une très lourde indemnité financière, dont le paiement allait s’étaler sur des décennies. Cette décision plaçait alors un prix sur la liberté d’une jeune Nation, qui était ainsi confrontée, dès sa constitution, à la force injuste de l’Histoire.
Aujourd’hui, en ce bicentenaire, il nous faut, ici comme ailleurs, regarder cette Histoire en face. Avec lucidité, courage et vérité. Haïti, est né d’une révolution, fidèle à l’esprit de 1789, qui affirmait avec éclat les principes universels de Liberté, d’Egalité et Fraternité. Ce combat d’Haïti, en harmonie avec les idéaux de la Révolution française, aurait dû offrir à la France et Haïti l’opportunité de faire chemin commun. Mais les forces en mouvement de la contre-révolution depuis 1814, la restauration des Bourbons et de la monarchie ont décidé autrement de l’écriture de l’Histoire.
Reconnaître la vérité de l’Histoire, c’est refuser l’oubli et l’effacement. C’est aussi, pour la France, assumer sa part de vérité dans la construction de la mémoire, douloureuse pour Haïti, qui s’est initiée en 1825.
La vérité de l’Histoire ne doit pas constituer de fracture, elle se doit au contraire d’être ce pont qui permet d’unir ce qui est épars. Dans cet esprit et dans ce but, il nous faut désormais ouvrir tous les espaces de dialogue et de compréhension mutuelle.
En conséquence, en ce jour symbolique, j’entends qu’il soit institué une commission mixte franco-haïtienne chargée d’examiner notre passé commun et d’en éclairer toutes les dimensions. Une fois ce travail nécessaire et indispensable accompli, cette commission proposera aux deux gouvernements des recommandations afin d’en tirer les enseignements et construire un avenir plus apaisé.
Cette commission, composée d’historiens, de nos deux États, aura pour mission d’explorer deux siècles d’histoire, y compris l’impact de l’indemnité de 1825 sur Haïti, d’analyser les représentations et les mémoires croisées de cet épisode entre nos deux pays, et d’aborder les développements de la relation franco-haïtienne au XXème siècle. Elle sera co-présidée par M. Yves Saint-Geours et Mme Gusti-Klara Gaillard Pourchet.
Son travail devra s’inscrire dans une démarche historique de dialogue et d’action. Nous devons penser ensemble les moyens de mieux transmettre cette histoire dans nos deux pays, renforcer la coopération éducative et culturelle, et bâtir une relation renouvelée entre la France et Haïti, fondée sur l’écoute, le respect et la solidarité.
Car au-delà du passé, c’est l’avenir qui nous unit. La France est aux côtés d’Haïti face aux multiples défis du temps présent. Elle continuera de l’être, en soutenant les initiatives en faveur de la sécurité – la priorité absolue à l’heure actuelle – du rétablissement de la justice et de la démocratie, de l’éducation et de la santé, mais aussi du patrimoine et de la culture. Comme la Communauté des Caraïbes et les Etats-Unis, la France condamne fermement toute tentative de déstabilisation des autorités de transition.
Notre dialogue doit être libre, ouvert, sincère et tourné vers l’avenir. C’est dans cet esprit que nous lançons aujourd’hui ce travail mémoriel commun. La mémoire n’est pas une charge qui obscurcit les consciences, mais une force qui éclaire les esprits. La reconnaissance de la vérité de l’Histoire offre aux Nations la chance exceptionnelle de se bâtir un avenir commun.
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